Aprés la Bataille
Mon pére ,ce héros au sourire si doux, Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille, Parcourait à cheval,le soir d'une bataille, Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit. Il lui semblait dans l'ombre entendre un faible bruit. C'était un Espagnol de l'armée en déroute, Qui se traînait ,sanglant sur le bord de la route, Râlant,brisé,livide,et mort plus qu'à moitié, Et qui disait:- A boire,à boire par pitié! Mon père,ému,tendit à son housard fidèle Une gourde de rhum qui pendait à sa selle, Et dit:- Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. Tout à coup,au momentoù le housard baissé Se penchait vers lui ,l'homme,une espéce de Maure, Saisit un pistolet qu'il étreignait encore, Et vise au front mon père en criant: Caramba! Le coup passa si prés que le chapeau tomba Et que le cheval fit un écart en arrière. - Donne-lui tout de même à boire ,dit mon père. Victor HUGO |
Aprés la Bataille
Mon père ,cet anchois au sourire andalou Suivi d'un nénuphar qu'il aimait entre tous Pour son faux col vert neige fait en pierre de taille, Parcourait en nageant la foire à la ferraille, Où se tenaient ,pensifs,des melons accroupis. Soudain son gros orteil crut percevoir des cris. C'était un hérisson voltigeant sur la route, Qui brûlait son chandail pour mieux casser la croûte, En criant:- Un chou-fleur pour me cirer les souliers! Ou bien un bec de gaz pour me laver les pieds! Mon pére,ému,tendit au nénuphar fidéle L'obélisque à vapeur où trempait sa bretelle Et dit:-Mouche la jambe à cet oiseau blessé, Et brûle -lui l'oeil droit avec un fer glacé. A ce moment précis,surgissait du Rat Mort, En marchant sur les mains ,un boa constrictor Qui lança sur mon père sa veste en alpaga. Le coup passa si près qu'un hareng se noya, Et qu'un éléphant blanc tomba dans sa soupiére. -Hurrah ! cria mon pére,se mordant la paupiére. Pierre DAC |